Aménagement et urbanisme, Injonction

Acquisition de la municipalité par dédicace dans un domaine de naturisme : critères et conséquences

Syndicat des copropriétaires du Domaine de l’Éden Phase I c. Gestion Denis Chesnel inc., 2018 QCCS 4043

Depuis plusieurs dizaines d’années, le site du Domaine de l’Éden (le «Domaine») dans la Ville de Saint-Lin-Laurentides (la «Ville») est consacré au naturisme, en conformité avec les lois et règlements.

En 1993, le site prend plus particulièrement la forme d’une copropriété divise, laquelle est composée de parties privatives (habitations) et de parties communes, principalement des chemins d’accès.

Malgré la mise en place de cette nouvelle structure, la vocation naturiste est conservée, une barrière bloque l’entrée au site et une palissade est érigée pour en protéger l’intimité.

Le jugement cité ci-avant est complexe et regroupe plusieurs débats, notamment quand aux titres de propriété des lots correspondant aux chemins d’accès aux parties privatives du Domaine. Nous nous consacrerons cependant à l’étude d’une seule question en litige, soit celle de l’acquisition par dédicace des chemins d’accès par la municipalité.

La problématique

Dès l’année 2002, les propriétaires des parties privatives du Domaine sont préoccupés par les coûts d’entretien des chemins d’accès ainsi que des investissements requis pour leur pavage. Éventuellement, le Domaine approche la Ville afin de lui céder les chemins d’accès, étant convenu que cette dernière en prendrait charge.

Malgré que les chemins d’accès ne lui soient pas encore officiellement cédés, la Ville commence dès 2003 à prendre en charge certains services relatifs aux chemins privés : travaux d’assainissement des eaux (2003), asphaltage (2004) et collecte des matières résiduelles (2005).

Cependant, le transfert officiel à la Ville des chemins d’accès traîne en longueur et aucun acte de vente n’intervient jusqu’en 2009, moment où les résidents du Domaine reçoivent un avis ayant l’effet d’une douche froide : la SQ les informent que l’article 174 du Code criminel interdit à toute personne d’être nue sur un terrain public, donc sur les chemin d’accès.

Subitement, les copropriétaires du Domaine changent d’avis : ils souhaitent reprendre en charge les chemins d’accès et cesser le processus de transfert à la Ville. Trop peu trop tard selon cette dernière, qui plaide l’acquisition par dédicace.

La dédicace

Voici comment la Cour supérieure énonce le test et le fardeau de la Ville afin d’avoir gain de cause dans sa demande pour se voir déclarer propriétaire par dédicace des chemins d’accès du Domaine :

[163]     La dédicace comporte deux éléments essentiels « […] à savoir la volonté du propriétaire de céder à titre gratuit son terrain à l’usage du public et l’acceptation de ce terrain par la Municipalité ». Ces éléments peuvent être explicites ou implicites, auquel cas ils résultent des « faits qui indiquent l’intention du propriétaire d’affecter son terrain à un chemin ou une rue » et de ceux qui indiquent l’acceptation de la municipalité ».

[164]     Le fardeau de preuve repose sur la Ville. Elle doit démontrer que les copropriétaires des parties privatives et commerciales du Domaine de l’Éden, par leurs agissements, lui ont volontairement cédé, à titre gratuit et à l’usage du public, les droits indivis qu’ils possédaient dans les Lots des parties communes, et son acceptation. 

Selon la Cour, les gestes posés par les copropriétaires entre 2002 et 2009 (date de l’avis de la SQ) sont suffisants pour illustrer leur volonté de céder à titre gratuit leur propriété des chemins d’accès à la Ville. Les gestes retenus sont notamment les suivants :

  • La volonté des copropriétaires de ne pas assumer les frais d’entretien des chemins d’accès;
  • L’exécution de travaux par la Ville, soit les travaux d’égouts et de pavage;
  • Règlement d’emprunt et facturation annuelle des copropriétaires pour les travaux réalisés par la Ville;
  • Entretien et déneigement des chemins d’accès par la Ville;
  • Correspondances du syndicat du Domaine à la Ville confirmant que cette dernière est maintenant en charge des chemins d’accès; etc.

En conséquence, la Cour reconnaît que la Ville est maintenant propriétaire des chemins d’accès et force l’enlèvement de la barrière restreignant l’accès aux chemins d’accès.

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