Compétences municipales, Immobilier, Règlement

L’application inégale d’un règlement municipal n’est pas un motif de défense

4060 Saint-Laurent c. Ville de Montréal, 2023 QCCS 2379

En vertu de l’article 29.19 de la Loi sur les cités et villes, une municipalité peut adopter un règlement afin de régir l’occupation du domaine public, notamment de rendre celui-ci conditionnel au paiement d’un frais par l’occupant.

Dans ce dossier, la Ville de Montréal a exigé le paiement d’un loyer à un syndicat de copropriétaires dont l’immeuble – plus précisément les escaliers et les plates-formes des sorties de secours – occupait l’espace aérien au-dessus du trottoir.

Le loyer en question était imposé au syndicat depuis 1987. Alors qu’il s’élève au départ à environ 1000$ par année, il sera d’environ 5000$ par année par la suite, pour ensuite être révisé à la baisse suite à une demande en ce sens du syndicat.

Or, un représentant du syndicat découvre que d’autres immeubles voisins occupent également l’espace aérien de l’emprise publique, sans toutefois payer un loyer à la Ville de Montréal. Celui-ci soulève l’iniquité de la situation.

Puis, en 2020, la Ville de Montréal décide de supprimer les loyers payables pour les immeubles qui occupent l’espace aérien du domaine public et qui ont été construits avant le 1er janvier 2016, par équité envers les différents propriétaires.

Le syndicat demeure insatisfait et demande le remboursement des loyers payables depuis 1987, ce que la Ville de Montréal conteste. L’argument le plus sérieux du syndicat est que le règlement lui est inopposable puisque inéquitable.

Ce règlement est ainsi rejeté par la Cour supérieure :

[40] Le procureur du demandeur soumet que l’incapacité de la Ville d’imposer à tous ses contribuables de payer un loyer pour occupation de l’espace public crée une iniquité.

[41] L’iniquité est démontrée grâce au témoignage de M. Dempsey lequel établit que plusieurs immeubles dans son quartier ne paient ce loyer malgré leur occupation de l’espace aérien du domaine public. La Ville reconnaît ce fait à sa résolution.

[42] Les tribunaux ont reconnu que les villes ne sont pas tenues de faire respecter leur règlement.

[43] La Ville décide du déploiement d’énergie qu’elle met en œuvre aux fins d’identifier ses contribuables et percevoir son dû. Le processus décrit par la Ville pour percevoir les loyers nous semble léger voir déficient, mais il s’agit de son choix.

[44] Le procureur en demande ne soumet aucune décision établissant qu’un loyer ou une taxe imposée par une autorité et qui s’avère inéquitable au motif qu’elle n’est pas appliquée à tous, entraîne alors le remboursement de ce loyer ou de cette taxe.

(…)

[47] La demande visant à faire déclarer inopposable un règlement imposant une taxe ou un loyer au motif que l’autorité n’est pas en mesure de faire respecter son règlement par tous les contribuables, nous semble sans fondement. Accepter un tel raisonnement mettrait à risque toutes les dispositions réglementaires forçant les contribuables de payer un loyer ou des frais dès que certains délinquants n’ont pas été identifiés et forcés de payer leur dû à l’autorité. Accepter cette approche serait chaotique pour l’autorité réglementaire.

Ajoutons qu’accepter un tel raisonnement serait également problématique pour la réglementation municipale en général. On ne saurait accepter qu’un citoyen viole la réglementation municipale puisqu’un voisin n’a pas été sanctionné.

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