Appel d'offres, Construction, Responsabilité contractuelle

Une hypothèque légale de la construction sur un centre récréatif, c’est non

Ville de Beaconsfield c. Carrelage BL inc., 2019 QCCQ 144

Le centre récréatif de Beaconsfield est équipé d’une patinoire, d’une piscine de 25 mètres, d’un gymnase et de salles polyvalentes pour réunions. Il est accessible aux résidents et aux non-résidents de la Ville et est ouvert durant toute l’année.

En 2016, Beaconsfield contracte avec un entrepreneur général afin de procéder à certains travaux de rénovation autour de la piscine. Cet entrepreneur général retient les services de la défenderesse Carrelage BL, laquelle est notamment responsable des travaux de céramique.

Impayée, elle enregistre une hypothèque légale de la construction sur le centre récréatif. Beaconsfield s’y oppose, invoquant l’article 916 C.c.Q.

Interprétation large et libérale, sauf que…

On sait que l’article 916 C.c.Q. interdit les hypothèques légales de la construction sur les biens des personnes morales de droit public (les municipalités) qui sont affectés à l’utilité publique.

Il est par ailleurs de jurisprudence constante que l’on doit interpréter de façon large et libérale ce qui constitue l’utilité publique. À cet effet, la Cour du Québec indique à juste titre qu’un sanctuaire d’oiseaux et de fleurs sauvages a été considéré comme un bien affecté à l’utilité publique par la Cour d’appel :

[18] En 2014, la Cour d’appel juge, dans l’arrêt Karkoukly c. Westmount (Ville de), qu’un parc désigné comme sanctuaire d’oiseaux et de fleurs sauvages sans autres aménagements et activités humaines, sauf pour la marche et l’interprétation, est un bien destiné à l’usage public et général : (…).

Ainsi, comment la défenderesse comptait pouvoir convaincre la Cour qu’un centre récréatif n’est pas un bien affecté à l’utilité publique? En s’appuyant sur une décision bien particulière de la Cour supérieure (confirmée par la Cour d’appel) où l’on avait déterminé qu’une hypothèque légale de la construction sur un centre récréatif était effectivement valide :

[29] Dans ce contexte où il n’est pas permis d’associer ou d’isoler l’hypothèque à un bâtiment unique, la décision Roy c. Pincourt (Ville de) sur laquelle s’appuie l’avocat de BL, et qui selon lui devrait lier le Tribunal, perd de son acuité.

[30] D’autre part, et contrairement à la position défendue par BL, le Tribunal ne croit pas que cette décision puisse lui être d’un grand secours malgré l’affirmation de la juge Mayrand de la Cour supérieure voulant que :

[55] Un centre sportif n’entre pas dans cette catégorie. Il ne s’agit pas d’un bien essentiel au fonctionnement de la municipalité comme c’est le cas d’aqueducs, de pompes à incendie ou de réservoirs ou les parcs publics dont l’usage est sans restriction. Un club sportif qui appartiendrait à la municipalité n’entre pas, de manière générale, dans cette catégorie.

[31] Selon le Tribunal, cette affirmation doit être interprétée au regard de la preuve administrée et tenir compte du contexte particulier de l’affaire comme le spécifie clairement la juge Mayrand dans les deux paragraphes qui suivent :

[56] Enfin et de manière plus importante, l’aréna n’a pas été construit, les travaux n’ont jamais été exécutés. Ces bâtiments, dont les travaux sont amorcés en 2003, sont à l’abandon depuis dix ans dans un état de délabrement et ne peuvent être considérés comme faisant partie du domaine public.

[57] Les faits et la preuve révèlent qu’il n’a jamais été l’intention de la Ville qu’il fasse partie du domaine public et l’absence de résolution à ce sujet n’a aucune incidence sur le contrat de vente avec SESS.

[32] Ici, la situation factuelle est fort différente. Le centre récréatif est fonctionnel et opérationnel.

Gare au plaideur qui voudra invoquer isolément le paragraphe 55 de la décision Roy c. Pincourt (Ville de). A priori, un centre récréatif d’une municipalité est un bien affecté à l’utilité publique, au même titre qu’une borne fontaine. La Cour du Québec accède donc à la demande de Beaconsfield et ordonne la radiation de l’hypothèque légale.

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