Aménagement et urbanisme, Responsabilité civile

Les élus ne doivent pas nécessairement entériner l’avis du CCU

Delage c. Ville de Westmount, 2023 QCCA 1251

Vous me direz que cela coule de source. Après tout, la réponse se trouve dans le titre : Comité consultatif d’urbanisme. Il n’en demeure pas moins qu’un propriétaire, lorsqu’il conteste une décision discrétionnaire des élus, pourra argumenter que la recommandation du CCU était à l’effet contraire.

Le 4 octobre dernier, la Cour d’appel rejetait l’appel de M. Delage qui avait déposé un recours en dommages contre la Ville de Westmount. Cette dernière avait refusé le Plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) pour la construction de sa nouvelle résidence à l’architecture contemporaine.

Le cœur de l’affaire est le suivant : alors que M. Delage projette de construire une résidence aux lignes épurées et modernes, les élus refusent la demande de PIIA puisqu’elle s’harmonise mal à l’architecture distinctive et patrimoniale du secteur. Or, le CCU avait pourtant recommandé favorablement l’adoption du PIIA.

En février 2022, la Cour supérieure avait rejeté ainsi l’argument de M. Delage :

[58] Le CCU est un comité consultatif du Conseil, pas l’inverse. C’est le Conseil qui se prononce, non pas le CCU.

[59] Un conseil de ville ne peut équivaloir à un simple organe administratif tampon (rubber stamper). Il est redevable envers les citoyens. Ses membres doivent pouvoir justifier leurs décisions, notamment dans la sphère politique. Il est alors normal que le conseil de ville ait le dernier mot et puisse déterminer, en fin de compte, si une demande de permis est conforme à la réglementation municipale.

[60] Ce faisant, de l’avis du Tribunal, un conseil de ville n’a pas à chaque fois, sans réfléchir à son tour, à approuver une demande de permis de construction ou de rénovation recommandée favorablement par le CCU de la ville.

[61] Dans la mesure qu’un conseil de ville ne commet pas d’abus de son droit décisionnel discrétionnaire, et que sa décision est de bonne foi et raisonnablement ancrée dans le contexte réglementaire, les membres d’un conseil peuvent certainement être d’un avis contraire du CCU.

En l’espèce, il avait été démontré lors du procès que les élus portaient une attention particulière à l’architecture distinctive sur leur territoire et que cela constituait un enjeu important pour leurs citoyens. Aucune faute, donc, de refuser la demande de PIIA même si le CCU était pour sa part favorable.

Mais il y a plus. La Cour d’appel confirme que la décision d’accepter ou de refuser une demande de PIIA relève de la sphère politique et non de la sphère opérationnelle. Elle bénéficie donc d’une immunité relative, compliquant ainsi la tâche de M. Delage pour obtenir une condamnation en dommages :

[5] En l’espèce, le conseil de la Ville, en refusant la demande de l’appelant, a-t-il agi à l’intérieur de sa sphère politique ou de sa sphère opérationnelle? Notre Cour a déjà conclu que lorsque le conseil d’une ville détermine si un projet de construction est conforme aux plans d’implantation et d’intégration architecturale, il agit à l’intérieur de sa sphère politique et bénéficie donc de l’immunité relative.

Sur la question de l’immunité relative de la municipalité, nous en avions traité en 2021 à la suite d’un arrêt de la Cour suprême.

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