Responsabilité civile, Troubles de voisinage

Quand une ville doit dédommager des résidents pour l’augmentation de la circulation automobile sur une rue paisible

Belmamoun c. Ville de Brossard, 2023 QCCS 3826

Dans le cadre d’une action collective, les demandeurs réclament des dommages en lien avec les inconvénients anormaux qu’ils subissent du fait de la circulation excessive alléguée sur un tronçon du Chemin des prairies, à Brossard. Ils demandent également que soit créé une impasse entre deux secteurs de la rue pour réduire le débit de la circulation.

Le Chemin des prairies est un chemin qui apparaissait déjà sur une carte en 1815. Ce chemin était réputé pour sa tranquillité et son caractère historique. Au fil du temps, il y a eu, aux abords du tronçon en cause, un développement urbain important. Par ailleurs, cette rue paisible est devenue une voie de transit entre le boulevard Taschereau et le quartier DIX30 avec les inconvénients liés au bruit, à la poussière, aux vibrations et à l’insécurité que cela emporte.

« [240] Il apparait incontestable que la situation vécue par les membres du groupe découle de la gestion par la Ville de son développement urbain et de l’aménagement du tronçon pour accueillir la circulation de nouveaux propriétaires et permettre le transit des véhicules dans les deux directions. Par son développement urbain, la Ville a créé une source d’inconvénients anormaux dans l’environnement paisible du chemin des Prairies, alors que le rapport du BAPE en 1999 [Rapport émis dans le cadre du développement de différents boulevards] prévoyait plutôt qu’une circulation relativement faible contribuerait à maintenir la qualité de vie des riverains. »

La Cour supérieure a accueilli en partie la demande d’action collective. La juge compense les demandeurs pour les inconvénients anormaux de voisinage en vertu du régime de l’article 976 C.c.Q. Une indemnité entre 500 $ et 2000 $ par année d’occupation est ainsi accordée à chaque résident membre du groupe. Cependant, il est tenu compte de l’antériorité des usages à titre de facteur pour pondérer l’indemnité accordée. Une période charnière où la circulation s’est aggravée est identifiée dans le jugement. Les membres du groupe qui résidaient sur le tronçon avant cette période se voient accorder une indemnité complète. Ceux qui se sont installés alors que la situation commençait à être connue et dénoncée doivent assumer une part des inconvénients et ne sont indemnisés qu’à concurrence de 25 % de l’indemnité réclamée.

En s’appuyant notamment sur le jugement Maltais c. Procureure générale du Québec 2020 QCCA 715, la cour reconnait que la ville peut soulever une défense d’immunité sous le régime de responsabilité sans faute prévue par l’article 976 C.c.Q. En l’espèce, la Ville ne s’est toutefois pas déchargée, dans ce contexte, de son fardeau de démontrer que la situation des troubles de voisinage découlait d’une décision politique (à la lumière notamment de la grille d’analyse établie par la Cour suprême dans Nelson (Ville) c. Marchi, 2021 CSC 41).

La demande de dommages exemplaires a été rejetée. « Le fait que le développement urbain soit une source d’inconvénients, même anormaux, n’entraine pas la démonstration d’une faute précise commise par la Ville. […] La preuve ne démontre pas que la ville aurait abusé de ses droits dans le cadre de ses projets de développement ni qu’elle aurait manqué à une obligation légale particulière » [para. 284, 291]. La demande d’injonction pour la création d’une impasse a aussi été rejetée puisque la preuve offerte n’était pas suffisante pour conclure que la solution proposée est réaliste et adéquate.

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