Syndicat canadien de la fonction publique c. Ville de Québec, 13 août 2008, 200-17-028190-189.
*Bien que ce jugement ne soit pas encore indexé sur les sites juridiques, j’ai été en mesure d’en obtenir une copie. Veuillez m’écrire si vous souhaitez avoir accès au jugement.
L’affaire avait fait grand bruit il y a quelques semaines : certains syndicats avaient fait une campagne d’affichage massive dans plusieurs municipalités du Québec en prévision des élections provinciales, attaquant à la fois le PLQ et la CAQ.
En vertu de l’article 259.2 de la Loi électorale, l’affichage électoral bénéficie d’une protection en période de campagne électorale :
259.1. Malgré toute disposition inconciliable d’une loi ou d’un règlement, l’affichage se rapportant à une élection ne peut être soumis, durant la période électorale, à aucune restriction ou condition autrement que dans la mesure prévue par la présente loi.
Cette disposition permet donc de passer outre la réglementation municipale qui restreint ou prohibe l’affichage dans les lieux publics. Or, avant le déclenchement de la campagne électorale, l’article 259.2 n’est d’aucun secours.
Ainsi, quelques jours après l’installation de quelques 200 pancartes dans la Ville de Québec (la «Ville») par les syndicats, la Ville a avisé qu’elle procéderait au retrait des pancartes sur les poteaux d’utilité publique car ceux-ci sont installés en contravention de la réglementation municipale, ce qu’elle a ultimement fait.
Le Syndicat canadien de la fonction publique (le «SCFP») a donc demandé une injonction interlocutoire provisoire (10 jours) visant à empêcher la Ville de procéder à l’enlèvement des pancartes installées sur les poteaux d’utilité publique.
Au soutien de sa demande, le SCFP allègue principalement que la réglementation municipale va à l’encontre des chartes (liberté d’expression). Cet argument n’est pas sans mérite puisqu’il existe certains arrêts récents de la Cour suprême sur cette question précise.
Dans notre affaire, la Cour réitère d’abord que l’injonction est un remède exceptionnel, même lorsqu’il s’agit de violation des droits et libertés. Elle ajoute que l’affichage est permis dans les limites de la Ville, sauf sur les poteaux d’utilité publique (où sont installées les pancartes). La Cour – particulièrement au stade interlocutoire provisoire – ne peut donc y voir une apparence de droit clair en faveur du SCFP.
Par ailleurs, comme le SCFP est en mesure d’afficher ses pancartes sur d’autres structures dans les limites de la Ville, elle ne subi pas un préjudice irréparable, étant tout de même en mesure de véhiculer son message.
Finalement, la Cour rappelle que l’intérêt public (la réglementation de la Ville) prime sur les intérêts privés (la campagne du SCFP) et qu’il n’y a aucune urgence : le SCFP pourra réintroduire ses pancartes en période de campagne électorale, bénéficiant ainsi de la protection de l’article 259.1 de la Loi électorale.
*Note du 28/08/2018 : deux collègues allumées m’ont référé à l’arrêt FTQ c. DGEQ rendu par la Cour d’appel en 2011. On y mentionne clairement que les syndicats ne sont pas autorisés à engager des dépenses partisanes en période de campagne électorale, et que cette interdiction ne viole pas les chartes. Ainsi, il est douteux que le SCFP pourra réintroduire ses pancartes pendant la campagne électorale, tel que suggéré par la Cour supérieure dans la présente affaire.
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