Morrissette c. Ville de Saint-Hyacinthe, 2019 QCCA 1666
Ce matin, nous résumons un court arrêt de la Cour d’appel du Québec qui a été porté à notre attention par nos collègues de l’équipe des Affaires juridiques de l’Union des municipalités du Québec.
Cet arrêt concerne les conséquences d’une erreur dans la rédaction d’un avis public de consultation en matière d’urbanisme et peut être utile à ceux qui conseillent des municipalités confrontées à de telles erreurs ou encore qui doivent défendre un règlement ou une autre mesure adoptée suite à un avis erroné.
Madame Morrissette demande la nullité d’une modification au règlement de zonage de la Ville de St-Hyacinthe par laquelle cette dernière autorise l’utilisation des terres de son voisin, monsieur Lafortune, pour y établir une école de formation professionnelle :
[7] Dans sa procédure, elle allègue que l’avis publié par la Ville ne satisfait pas aux exigences de la L.A.U. puisque, d’une part, il n’identifie pas de façon précise les lots visés par le projet de règlement et, d’autre part, il mentionne une adresse municipale qui ne correspond pas au lot visé par le changement de zonage et sur lequel le bâtiment abritant l’école sera érigé. Ainsi, écrit-elle, le règlement adopté est invalide et le permis de construction délivré à Monsieur Lafortune en vertu de celui‑ci doit être annulé.
La Cour supérieure rejette le recours en nullité
Le juge de première instance avait rejeté le recours de madame Morrissette, pour des motifs que résume la Cour d’appel :
[8] Le juge de première instance lui donne tort. Il rejette d’abord l’argument relatif à l’imprécision de la description des lots en retenant que la L.A.U. prévoit trois façons d’identifier les zones concernées et que la Ville, à sa guise, peut choisir l’une ou l’autre de celles-ci.
[9] Or, écrit-il, la Ville, en l’espèce, a choisi d’indiquer l’endroit approximatif où la zone est située et a mentionné que la description ou l’illustration précise de ce lieu pouvait être consultée au bureau de la municipalité. Ce choix, selon lui, correspond à la troisième option édictée par la L.A.U. et est donc valable.
[10] Il rejette ensuite la proposition voulant qu’un croquis aurait dû être incorporé à l’avis, estimant que la L.A.U. ne l’exige aucunement.
[11] Puis, tout en reconnaissant, comme le soutenait l’appelante, que l’adresse mentionnée à l’avis public est celle de la résidence de l’intimé, située sur un lot distinct de celui sur lequel le bâtiment a été érigé, il retient de la preuve que cette erreur, si tant est qu’il s’agisse d’une erreur, n’a causé aucun préjudice à l’appelante puisque celle-ci a reconnu n’avoir jamais vu l’avis public.
[12] Finalement, évaluant l’avis dans son ensemble, le juge conclut qu’il remplit son objectif, qui est d’aviser les personnes concernées de leur droit de demander l’approbation du règlement par voie de référendum.
La Cour d’appel confirme la nécessité d’un préjudice réel pour annuler un règlement à cause d’un avis erroné
La Cour d’appel confirme le jugement de première instance :
[17] La Cour estime également justifié le rejet par le juge de l’argument de l’appelante voulant que l’avis public soit informe compte tenu de la mention inopportune de l’adresse de la résidence de Monsieur Lafortune.
[18] Sa conclusion voulant que la mention de l’adresse dans l’avis public n’a pas causé de préjudice à l’appelante puisque celle-ci reconnaît n’avoir jamais eu connaissance de cet avis est, en effet, implacable.
[19] De surcroît, la Cour est d’avis que cette mention, en l’espèce, n’induit pas en erreur ceux qui prennent connaissance de l’avis public dans son ensemble. Il faut comprendre que la terre de Monsieur Lafortune est constituée de plusieurs lots contigus. Sa résidence se trouve sur l’un d’eux alors que le bâtiment abritant l’école est érigé sur un autre. L’utilisation de son adresse, dans un tel contexte, permet aux personnes intéressées, qui nécessairement connaissent les lieux, de savoir qu’il s’agit d’un règlement qui aura un effet sur la terre de Monsieur Lafortune. Les autres dispositions de l’avis leur permettent ensuite de situer avec plus de précision la portion de cette terre qui sera affectée.
[20] Dans ces circonstances, la conclusion du juge voulant que l’avis ait rempli son objectif est également raisonnable et le pourvoi doit être rejeté.
Évidemment, cet enseignement de la Cour d’appel ne dispense pas les municipalités de rédiger les avis publics avec le plus de précision possible, selon les exigences de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme.
Toutefois, lorsqu’il s’agit de prendre une décision suite à la constatation d’une erreur ou de défendre un règlement, il nous confirme que la perspective à adopter est celle de personnes qui ont pris connaissance de l’avis et qui connaissent les lieux concernés, afin de déterminer si elles ont été réellement lésés dans leur droit de participer au processus de consultation.