Fiscalité municipale

Les taxes municipales sur les immeubles de la Couronne fédérale, comment ça marche?

Société du Vieux-Port de Montréal Inc. c. Montréal (Ville), 2023 CAF 126

Une décision récente de la Cour d’appel fédérale nous donne l’occasion d’aborder la question des taxes municipales sur les immeubles de la Couronne fédérale et ses sociétés d’état. Il est question ici de la Société du Vieux-Port de Montréal (SVPM), une société d’état fédérale.

D’abord, il faut savoir que les immeubles de la Couronne fédérale et ses sociétés d’état jouissent d’une immunité fiscale constitutionnelle à l’égard des autorités taxatrices municipales et provinciales. Ainsi, techniquement, celles-ci n’ont pas à payer de taxes municipales.

Or, il existe la Loi sur les paiements versés en remplacement d’impôts (la Loi). En vertu de cette loi, la Couronne fédérale et ses sociétés d’état versent aux municipalités, à titre gracieux, des paiements versés en remplacement d’impôts (PERI), mais seulement dans la mesure prévue par la Loi.

La Loi et les PERI avaient fait l’objet d’un arrêt de la Cour suprême en 2010 alors que les parties impliquées étaient la Ville de Montréal, la Société Radio-Canada et l’Administration portuaire de Montréal.

Notons que c’est le ministre ou la société fédérale qui accepte et fixe, le cas échéant, le montants des PERI demandés par la municipalité. Or, cette décision peut dans certains cas faire l’objet d’une révision judiciaire devant la Cour fédérale puis la Cour d’appel fédérale, ce qui est le cas dans le présent dossier.

La Loi prévoit à l’article 2(3) certaines exceptions à la notion de «propriété fédérale», lesquelles permettent à la Couronne fédérale et ses sociétés d’état de se soustraire à la demande de PERI. Dans le cas sous étude, la SVPM a notamment invoqué une exception portant sur les immeubles aménagés en parcs dans une zone urbaine.

On comprend que la SVPM plaide qu’une partie de son terrain est un parc urbain et non un espace commercial.

L’utilisation de cette exception par la SVPM pour refuser de payer des PERI a été contestée par la Ville de Montréal devant la Cour fédérale puis la Cour d’appel fédérale. Dans les deux cas, elle a eu gain de cause. La Cour fédérale a notamment mentionné ce qui suit :

« Il peut y avoir des poches de tranquillité à l’intérieur du site, comme des espaces verts, des patinoires et des bateaux à aubes, mais ces poches ne font pas de l’ensemble du site du Vieux-Port un parc; le site du Vieux-Port dans son ensemble ne communique pas un tel sentiment aux personnes qui le visitent. Il me semble plutôt que le site du Vieux-Port a été développé comme destination urbaine aux fins d’amusement et de divertissement, avec des vendeurs et des kiosques à travers le site pour répondre aux besoins du public payant. Ces dernières années, le site du Vieux-Port a été développé comme parc d’attractions avec la Grande Roue, le théâtre IMAX, où l’on peut assister à un concert, le spa Bota Bota ainsi que le Cirque de Soleil tous les deux ans. L’objectif premier du site est donc de nature commerciale. »

Mais il y a plus. Dans la mesure où le ministre ou la société fédérale souhaite invoquer une exception et refuser la demande de PERI, elle doit transmettre une décision contenant une «explication justifiée, transparente et intelligible pour chaque exclusion», ce que le SVPM a négligé de faire en l’espèce.

Le dossier est donc renvoyé à la SVPM afin qu’elle prenne une décision conforme à la Loi. Ce dossier de plusieurs millions de dollars suivra donc son cours…

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