Projet de loi n° 32, Loi visant principalement à favoriser l’efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d’intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel (encore sujet à la sanction royale)
Dans notre billet au sujet de l’arrêt Vavilov de la Cour suprême du Canada, nous avions salué l’intention du législateur de clarifier la norme de contrôle applicable aux questions de droit lors de l’appel à la Cour du Québec d’une décision du Tribunal administratif du Québec. Or, c’est maintenant chose faite!
En effet, l’Assemblée nationale a adopté, le mercredi 3 juin, le Projet de loi n° 32, Loi visant principalement à favoriser l’efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d’intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel (sanction royale à venir), qui contient la disposition suivante :
75. La Loi sur les tribunaux judiciaires (chapitre T-16) est modifiée par l’insertion, après l’article 83, du suivant:
« 83.1. Dans les cas où la loi lui attribue une compétence en appel d’une décision rendue dans l’exercice d’une fonction juridictionnelle, ou en contestation d’une décision prise dans l’exercice d’une fonction administrative, la Cour rend sa décision sans qu’il y ait lieu à déférence à l’égard des conclusions portant sur les questions de droit tranchées par la décision qui fait l’objet de l’appel ou sur toutes questions concernant la décision qui fait l’objet de la contestation.
Cette compétence est exercée par les seuls juges de la Cour que désigne le juge en chef en raison de leur expérience, leur expertise, leur sensibilité et leur intérêt marqués dans la matière sur laquelle porte l’appel ou la contestation.
À moins de disposition contraire et compte tenu des adaptations nécessaires, l’appel est régi par les articles 351 à 390 du Code de procédure civile (chapitre C25.01), et le recours en contestation l’est par les règles de ce Code applicables en première instance. ».
Par cette disposition, insérée dans la section portant sur la compétence de la Cour du Québec, le législateur détermine que la norme de la décision correcte s’applique à la révision des conclusions portant sur les questions de droit traitées dans la décision attaquée.
Mais, tout d’abord, cet article fait la distinction entre deux types de recours, soit l’appel d’une décision rendue dans l’exercice d’une fonction juridictionnelle (par exemple, par le Tribunal administratif du Québec) et la contestation d’une décision rendue par un fonctionnaire (par exemple, une cotisation fiscale émise par l’Agence du revenu du Québec).
Le projet de loi remplace également le terme « appel » par « contestation » dans de nombreuses lois concernant les décisions d’organismes administratifs.
L’appel
D’un point de vue procédural, l’appel à la Cour du Québec continuera de se dérouler comme un appel classique, sur dossier, devant la Cour d’appel, comme le précise le troisième alinéa du nouvel article 83.1 de la Loi sur les tribunaux judiciaires.
C’est lors de l’audition et du jugement sur l’appel que le changement (déjà en grande partie opéré, il faut le dire, par l’arrêt Vavilov) se fera sentir. Ainsi, à l’égard des questions de droit tranchées par la décision attaquée, le juge de la Cour du Québec ne sera tenu à aucune déférence et pourra substituer son interprétation des règles de droit à celle retenue par le tribunal administratif.
Cette nouvelle règle représente un virage à l’égard de l’état antérieur du droit administratif québécois, fixé notamment par l’arrêt Proprio Direct de la Cour suprême du Canada et, plus récemment, l’arrêt Frères maristes c. Ville de Laval de la Cour d’appel.
À l’égard des questions de fait, la norme de contrôle continuera d’être celle, plus exigeante, de l’erreur manifeste et déterminante.
Si vous devez préparer un mémoire ou plaider un appel devant la Cour du Québec dans les prochains mois, vous aurez donc intérêt à faire référence à cette nouvelle disposition (ou à contester son application).
La contestation
La contestation à la Cour du Québec d’une décision administrative rendue par un fonctionnaire, bien qu’elle s’applique à beaucoup de lois, demeura un fait rare en droit municipal (nous avons repéré la contestation de la destitution du directeur d’un service de police municipal et celle du refus d’autoriser un intervenant particulier lors d’une élection municipale)
Elle continuera de se dérouler selon les règles applicables à une demande introductive d’instance, c’est-à-dire la tenue d’un procès de novo, avec preuve documentaire et témoins, devant la Cour du Québec. Cette dernière ne sera tenue à aucune déférence envers les conclusions du fonctionnaire.