Municipalité de Les Cèdres c. Venettacci, 2020 QCCA 1495
L’article 227 L.A.U. et l’arrêt Chapdelaine font couler beaucoup d’encre en droit municipal. L’année dernière, nous avions fait état de cette décision qui ordonnait la destruction d’un chalet nouvelle construit en contravention de la réglementation municipale ainsi que d’autres décisions qui refusaient d’appliquer l’arrêt Chapdelaine rendu il y a près de vingt (20) ans par la Cour d’appel.
L’arrêt Chapdelaine permet à la Cour supérieure, dans « des circonstances exceptionnelles et rarissimes », d’utiliser sa discrétion judiciaire afin de refuser de prononcer les ordonnances recherchées par la municipalité même si la partie défenderesse est en contravention de la règlementation municipale. Comme le mentionne la Cour d’appel dans le récent arrêt précité, l’arrêt Chapdelaine a été rendu dans un contexte particulier. De la même façon, il ne doit s’appliquer qu’en présence de circonstances particulières et limitées :
[11] Il constate que les dérogations reprochées doivent être « mineures ou de peu d’importance ou lorsque les conclusions recherchées par le requérant ne procureront aucun résultat pratique en raison du caractère théorique de l’ordonnance ». Le juge Chamberland ajoute que le prononcé de l’ordonnance recherchée par une municipalité pourra aussi être refusé « exceptionnellement, lorsque les circonstances tout à fait particulières d’un dossier l’exigent pour éviter les injustices qu’une application stricte, rigoureuse et aveugle de la réglementation pourrait entraîner ».
Dans le cas qui nous occupe, la partie défenderesse avait aménagé un espace résidentiel au deuxième étage d’un bâtiment situé en zone commerciale, institutionnelle et industrielle. La municipalité avait déposé des procédures judiciaires en vertu de l’article 227 L.A.U. afin de faire cesser l’usage résidentiel, ce que la Cour supérieure avait refusé en usant de sa discrétion judiciaire. Or, la Cour d’appel n’est pas du même avis :
[16] Dans le présent dossier, le conjoint de l’intimée (M. Labelle) témoigne de ses échanges avec la préposée de la municipalité (Mme Lafleur) lors de la délivrance du permis et à quelques reprises pendant la période de construction, comme si ceux-ci lui avaient donné la permission de construire un édifice commercial de deux étages dont le deuxième étage comporterait une résidence. Il ajoute que sa demande de permis d’installation sanitaire mentionne, par coche de case, une chambre à coucher. Surtout, au fil des ans, l’appelante a encaissé les taxes foncières comme si l’édifice abritait une résidence et n’a pas agi pour soulever la contravention avant 2012, nous plaide l’intimée.
[17] Dès le début, l’édifice ne respectait pas les règlements puisque le zonage, lors de la délivrance du permis de construction, dans le présent dossier, était agricole. De façon plus significative, le permis de construction mentionne clairement « garage, bâtiment commercial de un étage ». Il n’y a aucune mention d’une résidence ni d’un deuxième étage. Même le permis aux fins de l’installation sanitaire prévoit que la destination de la propriété est «réparation moto; motoneige; VTT-motomarine». Les conversations que M. Labelle aurait pu avoir avec la préposée de la municipalité ne modifient pas les termes et conditions des permis ni les règlements de zonage.
[18] En l’espèce, la situation est fort différente de l’affaire Chapdelaine où la construction initiale n’enfreignait pas les règlements municipaux et la construction était conforme au permis délivré par la Ville.
[19] Selon la jurisprudence de notre Cour, la perception des taxes municipales n’est pas en soi un acquiescement d’un usage illégal.
Cette décision de la Cour d’appel soulève deux (2) points importants régulièrement soulevés en droit municipal. D’une part, les discussions qu’un citoyen peut avoir avec un employé municipal ne peuvent écarter ou remplacer la réglementation municipale ou les documents officiels délivrés par la municipalité. D’autre part, le fait pour la municipalité de percevoir des taxes en vertu d’un usage résidentiel (ou autre) ne constitue pas une admission ou un acquiescement de cet usage illégal en vertu de la réglementation.
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1 réflexion au sujet de “La Cour d’appel refuse d’appliquer l’arrêt Chapdelaine et renverse le jugement de première instance”