Dubois c. Municipalité de Saint-Esprit, 2018 QCCA 1115 (CanLII)
Pendant plus de 100 jours, les résidents de l’intimée Municipalité de Saint-Esprit ont été privés d’eau potable. L’appelante a demandé l’autorisation d’exercer une action collective au nom de ces résidents, ce qui a été rejeté par la Cour supérieure. Ce jugement vient tout juste d’être confirmé par la Cour d’appel.
Citant notamment le célèbre arrêt Laurentide Motels Ltd., l’appelante prétendait essentiellement que la municipalité engageait sa responsabilité extracontractuelle dès lors que le service qu’elle offrait – un service d’aqueduc – était déficient. Ainsi, l’appelante n’avait pas allégué de faits précis concernant la nature de la faute de la municipalité et les raisons qui expliquaient la rupture de service.
À juste titre, la Cour d’appel rappelle qu’il n’existe pas d’obligation de résultat de la part d’une municipalité en matière de fourniture de services. En situation d’interruption ou de défaut d’un service municipal, la responsabilité de la municipalité est uniquement possible, et non automatique. Ainsi, encore faut-il examiner les causes de la problématique et analyser si un comportement fautif de la municipalité est en cause :
[14] Les arrêts cités n’établissent pas que la municipalité a une obligation de résultat ni n’établissent qu’il y a faute dès qu’il y a interruption du service. Ils énoncent qu’une municipalité qui choisit d’offrir un service municipal peut engager sa responsabilité extracontractuelle. Mais encore faut-il, à l’étape de la demande d’autorisation d’exercer une action collective, alléguer des faits suffisamment précis pour établir une cause défendable. Ces faits, tenus pour avérés, doivent être susceptibles de constituer une faute, un préjudice et le lien de causalité entre les deux.
[15] Ici, l’appelante omet de donner quelque détail que ce soit concernant des faits qui pourraient constituer une faute de la part de la municipalité.
Sans le nommer, la Cour d’appel fait probablement notamment référence à l’arrêt Ville de Montréal c. Compagnie d’assurance Coseco rendu en 2016. Dans cette affaire, l’intimée poursuivait la Ville de Montréal suite au bris d’une conduite d’aqueduc. Or, cette dernière avait été diligente dans l’entretien de son équipement et ne pouvait donc être automatiquement responsable de ce bris :
[16] Finalement, en remettant en question l’efficacité des techniques de dépistage des fuites par auscultation des bornes-fontaines, dont elle dit qu’elles comportent des limites et ne sont pas infaillibles, la juge semble imputer à la Ville une obligation de résultat plutôt qu’une obligation de moyens.
[17] Or, comme le souligne cette Cour dans Brown c. Hydro-Québec, la Ville devait prouver qu’elle a pris les précautions qu’il était raisonnable de prendre dans les circonstances et non pas que son réseau est le meilleur. (…)
Ainsi, même au stade d’une demande d’autorisation pour exercer une action collective, l’absence d’allégations suffisantes quant à la faute de la municipalité est fatale :
[25] En conclusion, la Cour suprême, dans l’arrêt Infineon, a mis les tribunaux de première instance en garde d’évaluer une demande d’autorisation comme s’il s’agissait du fond de l’affaire, mais elle n’a pas relevé la demanderesse d’une autorisation d’alléguer suffisamment de faits pour remplir son fardeau de démontrer que les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées. Ainsi, sans faire miens tous les motifs de la juge de première instance, j’estime que celle-ci n’a commis aucune erreur révisable en concluant que la condition de l’article 575 paragr. 2 C.p.c. n’est pas satisfaite.
1 réflexion au sujet de “Rejet d’une demande pour exercer une action collective contre une municipalité : absence d’une obligation de résultat pour la fourniture de services municipaux”