Ville de Québec c. Yodjeu Ntemde, 2020 QCCS 3056; Yodjeu Ntemde c. Ville de Québec, 2020 QCCA 1346
Les municipalités offrent des services de proximité à leurs citoyens, ce qui provoquent inévitablement des frictions. D’autant plus que les municipalités peuvent notamment être responsables, par le biais de leur service de police ou leurs inspecteurs municipaux, de faire appliquer des loi pénales et la réglementation municipale. Récemment, nous avons fait état d’injonctions obtenues par les municipalités afin d’empêcher la présence d’un citoyen au conseil municipal ou encore de forcer un citoyen à supprimer des propos injurieux sur les réseaux sociaux.
Cette fois, la Ville de Québec a obtenu une déclaration de quérulence contre l’un de ses citoyens en vertu des articles 49 et suivants C.p.c. Le jugement a été rendu par la Cour supérieure et le défendeur a échoué dans sa tentative de porter ce jugement en appel. Cela a notamment pour effet d’empêcher le plaideur quérulent de déposer de nouvelles poursuites contre la Ville de Québec ou ses représentants, tant auprès des tribunaux que des organismes administratifs ou des syndics professionnels, sans au préalable obtenir l’autorisation du juge en chef de la Cour supérieure ou de la Cour du Québec, selon le cas.
On apprend dans les procédures judiciaires que le défendeur a déposé plus de 60 recours et plaintes contre la Ville de Québec ainsi que ses fonctionnaires, avocats et policiers. Le défendeur est également particulièrement actif à l’encontre du gouvernement du Canada et des fonctionnaires fédéraux. L’intérêt particulier du jugement de la Cour supérieure est que la déclaration de quérulence vise plusieurs organismes et tribunaux afin de mettre un terme à l’entièreté du préjudice subi par la Ville de Québec, ses préposés ainsi que le système de justice :
[87] Le défendeur s’est attaqué à plusieurs personnes et organismes, le gouvernement fédéral, la Ville de Québec, les avocats, les policiers, les huissiers, tous ceux qui de près ou de loin l’ont approché et ont pris une décision que ne lui plaisait pas.
[88] La quérulence du défendeur n’est pas localisée contre un individu devant une Cour civile, mais contre toute personne qui ne lui donne pas raison, et ce, tant devant les tribunaux civils et pénaux que les organismes et tribunaux administratifs provinciaux.
[89] Il s’agit, comme l’a souligné le procureur de la demanderesse, d’un cas exceptionnel, le défendeur est une « star » en matière de quérulence. D’ailleurs, le soussigné qui a plus de trente ans de banc a rencontré de nombreux quérulents, mais le défendeur remporte la palme.
[90] Dans le présent dossier, tenant compte des innombrables procédures, tant à la Cour du Québec que devant des organismes et tribunaux administratifs provinciaux, il y a lieu d’étendre la déclaration de quérulence à la Cour du Québec et à tous les organismes et tribunaux administratifs assujettis au pouvoir de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure.
[91] En effet, le défendeur interpelle tous les organismes et tribunaux administratifs qui peuvent rendre des décisions afin de continuer à mener le combat dans lequel il s’est engagé.
[92] Ne pas accorder cette demande ne ferait que proliférer d’autres débats inutiles et obliger ces institutions et d’autres parties à dépenser beaucoup d’argent et peu importe le résultat, le défendeur ne sera jamais satisfait.
[93] Il est bien évident que la Cour du Québec pourrait elle aussi déclarer le défendeur quérulent, mais encore une fois, ce ne serait pas agir pour une saine administration de la justice. En plus d’obliger les parties à payer des honoraires, cela permettrait au défendeur de laisser aller son imagination dans de nombreuses procédures et courriels. Il est temps de limiter les dégâts et d’inclure la Cour du Québec dans les conclusions du présent jugement.
Tel que mentionné, la Cour d’appel a confirmé le jugement de la Cour supérieure, rappelant que le défendeur ne perd pas irrémédiablement son droit d’ester en justice : il pourra toujours demander l’autorisation du juge en chef pour déposer ou continuer une procédure – il devra toutefois se justifier au préalable. On devine cependant que ce jugement permettra à la Ville de Québec et ses préposés de cesser de gaspiller temps, énergie et deniers publics dans les nombreux dossier du défendeur.
Évidemment, la déclaration de quérulence ne peut être obtenue que suite à un comportement abusif répété. On notera cependant que cette même déclaration de quérulence ne se limite pas nécessairement aux procédures déposées devant les tribunaux judiciaires de droit commun, mais également aux organismes et tribunaux administratifs, ce qui englobe les plaintes en déontologies qui peuvent être particulièrement fréquentes auprès des policiers, des avocats et autres professionnels à l’emploi des municipalités.
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