Appel d’offres : Quand une erreur cléricale dans le bordereau des prix devient une irrégularité majeure qui mène au rejet de la soumission

Axim Construction inc. c. Université du Québec à Montréal, 2018 QCCS 3087 (CanLII)

Le rejet d’une soumission non conforme fait couler beaucoup d’encre : les recours en dommages par les soumissionnaires écartés sont nombreux et la jurisprudence en la matière est de plus en plus complète.

Les notions d’irrégularités majeures et d’irrégularités mineures dans les soumissions – qui déterminent si celles-ci doivent ou non être écartées au nom de l’égalité entre les soumissionnaires et de l’intégrité du processus d’appel d’offres – sont au cœur de cette jurisprudence. Le récent jugement de la Cour supérieure Axim Construction inc. c. Université du Québec à Montréal constitue un nouveau cas d’espèce évocateur.

L’entrepreneur, dans le bordereau des prix de sa soumission, laisse en blanc l’un des items, soit celui de la décontamination fongique. Le prix total de sa soumission est de 1.4M$ et il est le plus bas soumissionnaire. Or, comme le prix de l’un des items n’est pas indiqué, l’Université rejette sa soumission.

Lors du procès, l’entrepreneur témoigne à l’effet que le coût de la décontamination fongique était de 0$, et donc qu’il était inclus dans le prix total de sa soumission. Il est par ailleurs admis que l’entrepreneur aurait été lié par le prix de sa soumission, et qu’il aurait bel et bien fait les travaux pour le coût maximal de 1.4M$.

Or, le Tribunal détermine que cette omission était fatale, puisqu’elle soulevait des questions trop importantes de la part de l’Université, notamment quant à l’hypothèse que les estimateurs de l’entrepreneur n’avaient pas remarqué que des travaux de décontamination étaient à faire :

[49] Pourquoi une telle omission? S’agit-il d’un simple oubli d’indiquer «inclus» ou «0$» ou plutôt de mettre le montant? Le prix total, déjà erroné, est-il ou sera-t-il encore affecté? Ou s’agit-il plutôt d’une indication que le soumissionnaire n’a pas noté que des travaux de décontamination fongique devaient être réalisés?

[50] C’est à ces questions qu’est confronté le donneur d’ouvrage.

[51] D’ailleurs, il s’avèrera que c’est le dernier scénario (celui de l’omission du soumissionnaire) qui correspond à la réalité, selon le témoignage de M. Lussier. Comme cela a déjà été mentionné, les estimateurs d’Axim n’ont pas vu que les travaux de décontamination fongique devaient être réalisés, parce qu’ils n’ont pas vu qu’il y avait contamination.

[52] Dans les circonstances et face à de tels questionnements potentiels, l’UQAM ne pouvait tout simplement accorder le contrat à Axim, en passant outre à l’omission, à l’irrégularité, laquelle concernait et pouvait certainement avoir un impact sur le prix.

[53] L’UQAM ne pouvait non plus, sur la base que le prix le plus élevé pour ce poste, apparaissant aux autres soumissions déposées par d’autres entrepreneurs, était de 17 000 $, extrapoler que le prix final d’Axim, même s’il devait être ajusté, n’affecterait pas l’ordre des soumissions.

[54] D’abord, le donneur d’ouvrage n’a pas à faire de telles extrapolations et il ne peut le faire sans favoriser un soumissionnaire au détriment des autres.

[55] Ensuite, sans le bénéfice de toute la réflexion et de tous les considérants derrière chaque soumission, – qui, pour ce seul poste, varient de « inclus » à 17 000 $ -, l’UQAM ne pouvait présumer d’un prix pour Axim pour ce poste. 

Le Tribunal mentionne par ailleurs, à juste titre, que les représentations ex post facto de l’entrepreneur quant au coût nul ou inclus des travaux de décontamination sont irrecevables, puisqu’il faut considérer les informations que l’Université détenait au moment de l’analyse des soumissions.